De la traditionnelle bouteille de 75cl à la canette : bilan sur l’évolution du conditionnement du vin en France

remplissage d'un verre de vin

remplissage d'un verre de vin

A Montréal, lors d’un souper (comprendre « dîner » en France) entre amis, il n’est pas rare de ne pas avoir à s’encombrer d’un tire-bouchon pour ouvrir une bonne bouteille de vin. Pas de bouchon en liège, mais un bouchon à vis, qui pourrait peut-être choquer certains Français ou du moins donner l’impression à nos compatriotes d’un vin bon marché, aux pauvres qualités gustatives.

Mais au Canada et comme dans bon nombre de pays anglo-saxons, les habitudes de consommation autour du vin sont très différentes. Bouchons à vis, vins en canettes ou Bag-in-Box (BiB) sont monnaies courantes de ce côté-ci de l’Atlantique.

En France, lorsque l’on parle gastronomie, les traditions ont la vie dure. Notre attachement à notre patrimoine vinicole et à une certaine image du vin – celle d’un nectar délicat, voluptueux, presque vivant, que l’on savoure en famille ou entre amis – rendraient à première vue inconcevable ces nouvelles façons de consommer.

Pourtant, de récentes études laissent entrevoir des évolutions très intéressantes dans l’Hexagone concernant le conditionnement de ce précieux liquide. En effet, selon le Baromètre SOWINE/DYNATA 2022, en France, bien que 75% des consommateurs achèteraient encore exclusivement leur vin en bouteille de 75cl, 25% des Français consommeraient désormais le vin dans d’autres types de conditionnement avec en tête le BiB (62%), le vin en vrac (25%) et le vin en canette (21%). Cette tendance est plus forte chez les hommes (29%) que chez les femmes (20%) et chez les 18-25 ans (30%) que chez les 50-65 ans (19%).

 

Pourquoi se détourner de la traditionnelle bouteille de 75cl ?

Toujours d’après le Baromètre SOWINE/DYNATA 2022, les principaux critères de choix lors d’un achat de vin hors bouteille sont le prix, suivi du volume, de la qualité et de la praticité. La sensibilité au prix colle parfaitement à cette tranche plus jeune de consommateurs, étudiants ou en début de carrière et qui cherchent à se faire plaisir avec un budget limité. Il est aussi intéressant de voir que la qualité reste une préoccupation première : contrairement à ce qu’on pourrait instinctivement croire, ces nouveaux conditionnements ne sont pas synonymes de mauvais vin et le jeune consommateur recherche aussi un produit qu’il pourra réellement apprécier. Les critères de volume et de praticité renvoient à de nouvelles pratiques de consommation que l’on détaillera un peu plus loin et qui varient selon le conditionnement mais qui pourraient globalement se résumer par deux tendances : la consommation nomade et la consommation raisonnable. Enfin, la dimension écologique de ces nouveaux conditionnements joue un rôle non négligeable dans leur essor récent.

 

Le Bag-in-Box (BiB) : pour une consommation conviviale sans compromis sur le goût

Le BiB est une invention américaine, initialement conçue à l’usage de la NASA pour le stockage de liquides industriels. Elle consiste en un emballage en carton doté d’un robinet qui renferme une poche en polyéthylène dans lequel le vin est introduit de manière hermétique. Son format varie entre 2 et 10 litres.

Contrairement à son ancêtre le cubitainer (ou « cubi ») ou même à la bouteille, il évite le contact avec l’air et donc l’oxygénation du vin. Cela permet d’une part de le garder beaucoup plus longtemps après ouverture (2 à 3 mois) tout en conservant sa fraîcheur, et d’autre part de conquérir le marché des vins fins, inaccessible au cubi jusque-là. En effet, aujourd’hui, 1/3 des vins vendus en BiB sont des AOC, et cette tendance est en progression. Il s’impose donc de plus en plus comme une alternative crédible à la bouteille tout en collant parfaitement aux nouveaux rythmes de consommation du vin en France : une consommation moins régulière, plus occasionnelle, plus modérée et de meilleure qualité qu’autrefois. Il véhicule également une image plus décontractée et plus conviviale, sans compromis sur le goût.

Enfin, sa fabrication nécessite moins de matières premières que la bouteille en verre, et ses composants (carton et polyéthylène) sont faciles à recycler. Il est bien plus léger, résistant, facile à manipuler, à transporter et à stocker, autant d’éléments qui lui permettent de réduire considérablement les coûts de transport (et donc le prix pour le consommateur final) et l’empreinte carbone associée à sa production et à sa commercialisation tout en gagnant en praticité.

Tous ces arguments lui ont permis de trouver son marché et de s’installer confortablement dans le paysage français, avec une explosion à partir de 2020 et des différents confinements : le consommateur, soucieux de limiter ses visites en magasin, préférait alors prévoir sur le long terme quitte à augmenter le coût de son panier moyen.

Il faut néanmoins bien parler des limites de ce conditionnement : parfait pour conserver des vins jeunes, il ne permet pas de faire vieillir le vin, et sa durée de vie est de seulement une dizaine de mois.

 

Le vin en vrac : une habitude ancienne remise au goût du jour

La définition du vin en vrac selon l’organisation mondiale des douanes est la suivante : du vin non-embouteillé vendu dans un contenant supérieur à 10 litres (excluant ainsi le BiB dont nous avons parlé précédemment). En réalité, cette pratique n’est pas nouvelle et était très répandue jusqu’au milieu des années 1980 : il était fréquent d’aller chercher son vin en vrac dans les caves ou directement chez le producteur avant d’éventuellement l’embouteiller chez soi. Pour diverses raisons (exigences sanitaires, marketing, avènement du suremballage, image négative renvoyée par le vin en vrac, nouvelles habitudes alimentaires, etc.), cette pratique avait disparu. Aujourd’hui, portée aussi bien par la jeune génération et sa sensibilité écologique que par les « anciens » nostalgiques d’une autre époque, le vin en vrac fait son grand retour.

Si l’achat de vin en vrac permet des économies de l’ordre de 25 à 40% selon les sources, la motivation première reste en effet son côté écologique : réduction des emballages avec un système de consigne des bouteilles dans les points de vente proposant du vin en vrac, absence de bouchon de liège, dans la plupart des cas absence d’étiquette permettant une économie de papier, et consommation locale (directement chez le producteur) qui entraîne une réduction des besoins en transport. Autant d’éléments qui permettent de réduire significativement l’empreinte carbone de sa consommation de vin. Pour résumer, la crise économique et l’urgence environnementale poussent le consommateur à se tourner vers des produits locaux et vers la récupération des traditions dans la mouvance du « Zéro Déchet ».

Ce mode de consommation concerne en général des vins jeunes, à destination de la consommation courante, en famille, à boire en peu de temps (à moins de les embouteiller chez soi pour les conserver en cave). On peut trouver des vins plus prestigieux vendus en vrac mais il sera rare voire impossible de trouver des vins de grand cru en vrac.

Des limites existent cependant à ce mode de consommation : la place des machines pour tirer le vin en magasin, la stabilité du produit et la conservation du vin.

Le vin en canette : à la conquête des jeunes générations

A première vue, l’idée de boire du vin en canette peut apparaître comme une hérésie, mais le fait est que le marché mondial du vin en canette est actuellement en forte croissance et que la France commence également à bouger sur ce sujet. D’après un sondage mené par Opinion Way et publié en janvier 2022, 72% des Français se disent prêts à essayer le vin en canette et ce pourcentage monte à 84% lorsque l’on s’adresse aux 18-25 ans.

En réalité, les premières canettes de vin remontent aux années 60 : on « emboîtait » alors le vin pour l’exportation vers les Etats-Unis (où elle a toujours beaucoup de succès) mais aussi pour un usage nomade, à destination du campeur ou de l’alpiniste. Comme le vin en vrac, ce conditionnement revient simplement en force aujourd’hui.

En effet, la canette semble être une solution idéale pour répondre aux nouvelles tendances de consommation, et en particulier aux jeunes consommateurs. En premier lieu, elle permet bien évidemment une consommation « nomade » : légère, pratique, incassable, elle s’invite facilement dans les repas pris sur le pouce et profite de l’essor de la vente à emporter. Son petit volume répond aussi parfaitement aux besoins d’une consommation plus raisonnable, plus modérée, au moment du déjeuner ou du dîner : une canette correspond environ à deux verres de vin. Ce format permet aussi aux jeunes consommateurs qui souhaitent découvrir l’univers du vin de le faire à moindre coût, en petites quantités, et ainsi de pouvoir tester différents produits. Par ailleurs, la canette permet beaucoup plus de liberté que la bouteille et sa traditionnelle étiquette au niveau de l’habillage marketing du produit, permettant là encore de s’adresser plus spécifiquement aux jeunes générations. Enfin, les considérations écologiques ont là encore du poids dans le choix de la canette : son bilan carbone est meilleur que celui de la bouteille puisqu’elle est plus légère à transporter, sans plastique (à l’inverse du BiB) et plus facilement recyclable que le verre.

Là encore, il ne s’agira évidemment pas de proposer des grands crus mais d’amener les jeunes consommateurs à découvrir des vins dits supérieurs. Elle semble également être un bon contenant pour proposer des vins alternatifs, des vins nature qui seraient déjà hors des codes traditionnels.

Pour conclure, bien que les Français restent très attachés à leur bouteille de 75cl, de nouvelles alternatives apparaissent et montent en puissance, portées par le besoin d’économie et d’écologie, pour une consommation décontractée, plus occasionnelle et plus modérée mais toujours de qualité.

(Delphine GRANGE)

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