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Impact des revêtements de cuve sur la qualité des vins.
Michel Dumoulin1, Jean-Michel Riboulet2
1 Laboratoire Exact – Mâcon – France.
2 CEVAQOE – Tournefeuille – France.
Résumé
Une grande variété de récipients et containers est utilisée lors de l’élaboration et le stockage du vin. L’acidité et le caractère « solvant » du vin rendent possible, selon la nature du revêtement, l’occurrence de phénomènes de migration, à partir de la surface du contenant, pouvant avoir un impact sur ses caractéristiques organoleptiques et sur sa qualité sanitaire.
Du fait de leur nature chimique, les revêtements de type polymère ou résine sont principalement concernés par ces phénomènes de migration.
Un point sur la réglementation
Les matériaux et objets en plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires font l’objet d’une réglementation européenne spécifique UE N° 10/2011, qui complète- le règlement CE N° 1935/2004 concernant l’ensemble des matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires.
Le revêtement des cuves de type polymère ou résine utilisées pour le vin entre donc complètement dans le champ de cette réglementation.
En termes d’exigences générales, ces réglementations considèrent, que les matériaux et objets destinés au contact alimentaire ne doivent pas, dans des conditions normales d’utilisation, céder aux denrées alimentaires des constituants en quantité susceptible de :
- Présenter un danger pour la santé humaine ;
- Entraîner une modification inacceptable de la composition des denrées ;
- Entraîner une altération des caractères organoleptiques de celles-ci.
La réglementation repose sur deux principes :
- Établissement d’une liste positive de substances autorisées pour la fabrication des matériaux ;
- Inertie des matériaux avec fixation d’une Limite de Migration Globale et de Limites de Migration Spécifiques pour les substances moyennement toxiques ou pour celles dont la migration doit être plus étroitement surveillée.
La LMG est la quantité maximale autorisée de substances non volatiles cédée par un matériau aux simulants de denrées alimentaires. Celle-ci est fixée à 10 mg/dm2 pour les matériaux en plastique.
La LMS est la quantité maximale autorisée d’une substance cédée par un matériau aux denrées alimentaires ou aux simulants de denrées alimentaires.
Pour les matières plastiques, la LMS est fixée dans la liste positive des compo-sés autorisés. Une limite de migration spécifique générique de 60 mg/kg s’applique aux substances pour lesquelles aucune LMS n’a été définie.
Les revêtements à base de résines « époxydes »
Ce type de revêtement, développé il y a une soixantaine d’années, est très largement répandu en industrie agroalimentaire pour le stockage de denrées liquides ou solides.
Leur bonne résistance mécanique et leur excellente inertie chimique, en font de prime abord un revêtement idéal pour le stockage du vin.
Les revêtements « époxyde » sont obtenus par réaction de polymérisation entre un prépolymère « bisphénol-épichlorhydrine » (BADGE, BFGDE, NOGE) et un dérivé diamine, qui joue le rôle de durcisseur (figure 1). La polymérisation conduit à la formation d’une structure chimique tridimensionnelle, se traduisant par la solidification de la résine.
Différentes charges sont également additionnées au mélange, telle que des pigments, des catalyseurs métalliques, des plastifiants.
La qualité du revêtement ainsi obtenu repose sur le respect d’un certain nombre de règles de bonnes pratiques, dont les principales sont :
- Qualité de surface des supports sur lesquels la résine est appliquée ;
- Conditions d’application (température, humidité) ;
- Respect des proportions entre la résine et le durcisseur ;
- Respects du temps d’application du mélange ;
- Temps de séchage complet avant utilisation.
D’un point de vue réglementaire, la toxicité potentielle des précurseurs chimiques utilisés pour l’élaboration de ces résines, révélée par le Comité Scientifique de l’Alimentation- Humaine, a poussé les instances européennes à mettre en place une directive spécifique (2002/16/CE) pour ces matériaux. Ainsi, des limites de migration spécifique ont été définie pour les précurseurs de type BADGE et BFGDE.
Aujourd’hui, cette directive a été abrogée par le règlement CE N° 189/2005 et seul le BADGE (résine polymère préparée à partir de bisphénol A) est autorisé pour la réalisation de revêtement de cuve en résine époxydique.
Malgré l’inertie chimique de ce type matériau, de nombreuses études montrent qu’au contact du vin, il est possible d’observer des phénomènes de migration de divers composés organiques tel que des résidus de bisphénol, des phtalates, divers dérivés phénols ou BTEX (benzène, toluène, éthyl-benzène, xylènes), du styrène, voir des solvants (usage rigoureusement interdit pour des applications alimentaires).
D’un point de vue sanitaire, le risque est aujourd’hui relativement faible, au vu des contraintes réglementaires liées à l’utilisation de ce type de revêtement pour les contacts alimentaires.
D’un point de vue sensoriel, le risque est plus important, notamment pour les revêtements les plus anciens ou ceux pour lesquels l’entretien courant a conduit à une dégradation progressive de la surface.
Les seuils de perception des composés précédemment cités pouvant être relativement faibles, il n’est pas rare d’observer, pour des vins ayant séjourné dans des cuves présentant un revêtement « endommagés », des déviations sensorielles de type « plastique », « chimique », « pharmaceutique », « solvant », « phénolé »…
Conclusions
Afin d’assurer la sécurité du consommateur, le législateur a fait évoluer de manière considérable, au cours des dix dernières années, la réglementation régissant la composition des matériaux entrant au contact des denrées alimentaires.
Ce renforcement a permis d’améliorer la qualité des matériaux synthétiques utilisés pour le revêtement des cuves destinées au stockage du vin en augmentant leur inertie chimique.
Aujourd’hui, les problématiques majeures associées au stockage des vins en cuve « résines » se traduisent le plus souvent par l’apparition de déviations sensorielles critiques.
Elles résultent en général :
- d’une méconnaissance des phénomènes de migrations entre le revêtement et le vin ;
- d’une mauvaise mise en œuvre du revêtement ;
- d’opérations d’entretien conduisant à la dégradation de la surface.
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